MÉMOIRE DU EVERY WOMAN’S CENTRE

SOMMAIRE

Le Every Woman’s Centre dispense depuis longtemps des services et des programmes à des femmes vivant dans la pauvreté ainsi qu’à leurs familles. Nous offrons des services directs aux femmes, une maison de seconde étape, des appartements à prix abordables, des programmes éducatifs, des mesures d’allégement de la pauvreté, ainsi que des programmes de préparation à l’emploi aux femmes qui font face à des obstacles sur le marché du travail et dans le système éducatif. Nous offrons également de l’information et des programmes récréatifs de même qu’un logement aux femmes sans abri.

L’appel de présentations précisait que le Comité souhaitait entendre les vues de particuliers et de groupes sur quatre grandes questions : comment assurer une reprise économique soutenue au Canada, comment créer des emplois durables et de qualité, comment maintenir les taux d’imposition à des niveaux relativement faibles et comment atteindre un budget équilibré. Il s'intéressait en particulier aux réflexions et aux suggestions des Canadiens quant aux moyens de stimuler la création d'emplois et l'investissement des entreprises afin d'assurer à tous la prospérité et un niveau de vie élevé.

L’objet de ce mémoire est de présenter trois recommandations au Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

1.    Que le gouvernement fédéral élabore une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, avec une vision à long terme, ainsi que des résultats et des échéanciers mesurables.

2.    Que le gouvernement fédéral élabore une stratégie ciblant les femmes pour créer des emplois durables et des programmes de formation.

3.    Que le gouvernement fédéral élabore une stratégie nationale de logement, comportant des garanties de prêt pour les femmes souhaitant acheter leur propre maison.

Au nom du Every Woman’s Centre de Sydney, en Nouvelle-Écosse, je voudrais vous remercier de l’occasion qui nous est donnée de présenter ce mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Il est réconfortant de savoir que des Canadiens ordinaires sont invités à participer au processus annuel de consultation prébudgétaire.

La région géographique que nous desservons est celle de l’île du Cap-Breton, qui compte une petite population urbaine, une importante zone rurale et plusieurs communautés côtières. L’île est aux prises avec de nombreux problèmes sociaux et économiques : chômage élevé (17,7 %), manque de logements adéquats et abordables, perte des industries traditionnelles comme la pêche, la sidérurgie et l’exploitation charbonnière, migration vers l’extérieur, population vieillissante, services de transport limités ou inexistants, manque d’emplois durables à long terme et pauvreté rémanente.

Au cours des dernières années, nous avons pu observer le déclin et la fermeture d’infrastructures en milieu rural, notamment des écoles, des succursales bancaires, des stations-service, des bureaux de poste, des bureaux gouvernementaux satellites et des églises, ainsi qu’un entretien routier déficient. Il devient de plus en plus difficile de vivre dans les régions rurales, qui pourtant constituent la plus grande partie de l’île du Cap-Breton.

Données de Statistiques Canada.2007. Cap-Breton, Nouvelle-Écosse (Code 225) (tableau). Profils communautaires 2006. Recensement de 2006. Catalogue de Statistiques Canada no 92-591-XWE. Ottawa. Paru le 13 mars 2007. La population totale de l’Île du Cap-Breton se chiffre à 105 930, dont 22 % ont moins de 19 ans, 53 % ont entre 20 et 59 ans et 24 % ont plus de 60 ans. Sur les 43 085 logements privés recensés, 81 % ont été construits avant 1986, ce qui est un signe du vieillissement du stock de maisons. En 2006, le nombre de familles monoparentales s’élevait à 7 930, dont 6 685 étaient dirigées par une femme. La population immigrante représente 1,64 % de la population totale, soit 1 730 personnes, et elle n’a augmenté que de 155 personnes de 2001 à 2006. Niveau d’instruction de la population âgée de 15 à 24 ans : 79 % n’ont aucun certificat ni diplôme, ou seulement un certificat d’école secondaire ou l’équivalent; de la population âgée de 25 à 34 ans : 38 % n’ont aucun certificat ni diplôme, ou seulement un certificat d’école secondaire ou l’équivalent; population âgée de 35 à 64 ans : 44 % n’ont aucun certificat ni diplôme, ou seulement un certificat d’école secondaire ou l’équivalent. Sur la population active expérimentée totale de 15 ans et plus, seulement 2,66 % des femmes occupent des postes non traditionnels, comparativement à la moyenne provinciale qui se chiffre à 5,22 %. Dans le secteur de la vente au détail, 58,7 % sont des femmes.

Ces statistiques sont importantes pour montrer que nous avons une population vieillissante avec un faible niveau d’instruction et très peu de femmes occupant des postes non traditionnels, la plupart dépendant de postes dans le secteur de la vente au détail, postes considérés comme un emploi précaire. Lorsque le taux de chômage est élevé, les points de vente au détail ont tendance à mettre à pied leurs employés en dehors de la haute saison. Une grande partie de la population est propriétaire de sa maison, mais la plupart de ces maisons ont été construites avant 1986 et les coûts d’entretien et de réparation sont élevés. Nous sommes certains que ces statistiques ne sont pas uniques au Cap-Breton et sont représentatives d'autres petites communautés rurales au Canada.

1RE RECOMMANDATION

Élaborer une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, avec une vision à long terme, ainsi que des résultats et des échéanciers mesurables.

Il incombe au gouvernement fédéral d’adopter une stratégie nationale de réduction de la pauvreté et il lui revient donc de faire preuve de leadership pour lancer une telle initiative. Cette stratégie devrait prévoir un revenu garanti permettant de subvenir à ses besoins.

D’un point de vue financier, il est insensé que la sécurité du revenu soit gérée par trois niveaux de gouvernement. Les citoyens canadiens devraient bénéficier de l’égalité des droits et des chances à un revenu adéquat, quel que soit leur lieu de résidence dans ce merveilleux pays. Au niveau provincial, les taux de prestation d’aide sociale fluctuent à la discrétion du gouvernement du jour, qui peut changer tous les 4 ans. Le RPC est un programme fédéral qui, dans de nombreux cas, fournit un revenu inadéquat sans assurance-médicaments connexe. Toutefois, si une personne reçoit des prestations du RPC, elle n’a pas droit à l’aide provinciale qui pourrait l’aider à augmenter son revenu.

Nous sommes conscients des conséquences sociales, juridiques et sanitaires de la pauvreté, mais il nous est impossible de commencer à nous pencher sur ces enjeux tant que l’argent n’est pas remis aux personnes qui en ont besoin pour nourrir leurs familles, trouver un logement adéquat et sécuritaire, ainsi que répondre à leurs besoins élémentaires. Le travail, la formation, le bénévolat et la santé ne sont pas une priorité pour ceux qui ignorent d'où proviendra leur prochain repas. La pauvreté n’est pas le résultat de la paresse. En fait, le contraire est plus souvent vrai. Comment imaginer les difficultés auxquelles est confrontée une mère en manque de ressources qui doit nourrir ses enfants et leur fournir des vêtements propres et un espace de vie salubre? Un revenu assuré permettant de subvenir à ses besoins garantirait que les montants versés satisfont les besoins légitimes de la famille, lui évitant ainsi d’être tributaire d’un modèle d’aide caritative tel que l’offre actuellement chaque province. L’accès aux services et aux programmes devrait être octroyé selon un processus équitable et non discrétionnaire.

Pour s'engager dans la société, les gens doivent avoir la liberté de choix. Recevoir un revenu garanti permettant de subvenir à leurs besoins leur donnerait précisément cette liberté.

Il a été demandé aux présentateurs d’évaluer le coût de leurs recommandations. Il s’agit d’une tâche colossale. Dans son étude de 2007, le Conseil national du bien-être social a estimé ce coût à environ 23 milliards de dollars, et bien que le Canada dépense actuellement des milliards pour offrir des programmes sociaux, il y a encore des familles, des personnes âgées, des jeunes et des femmes qui continuent à vivre dans la pauvreté. Cela souligne encore davantage la nécessité que le gouvernement fédéral adopte une stratégie de réduction de la pauvreté.

2E RECOMMANDATION   

Créer des emplois durables et des programmes de formation.

Ces trois dernières années, les projets « Prêts à l’emploi », visant à créer des emplois durables pour les Canadiens, ont fortement retenu l’attention. Malheureusement, la plupart de ces emplois n’incluaient pas les femmes. En ce qui a trait à ma propre région, des travaux routiers et de construction ont été entrepris et se poursuivent, mais comme en témoignent les statistiques présentées ci-dessus, 2,66 % seulement des femmes de notre région occupent des emplois non traditionnels. La plupart des femmes ayant participé à ces projets « Prêts à l’emploi » ont travaillé comme signaleuses. Il ne s’agit pas d’un emploi durable.

Il faudrait adopter une stratégie fédérale pour permettre aux femmes de participer à la reprise économique au Canada. Les femmes continuent à occuper des emplois précaires. Faire la transition de l’aide sociale à un emploi régulier peut s’avérer une expérience déroutante pour les femmes et il faudrait des programmes très spéciaux pour les y aider. Ce n’est pas seulement une question de formation. Il faut mettre en place d’autres mécanismes de soutien, par exemple des services adéquats pour la garde des enfants, une aide au transport, des programmes de formation aux aptitudes à la vie quotidienne et des plans d’action positifs. Every Women’s Centre offre un programme de préparation à l’emploi aux femmes qui sont intéressées à reprendre la vie active en suivant une formation ou des cours. Ces programmes ne sont offerts que lorsque le financement est garanti. Une réserve de fonds pourrait donc être créée pour s'assurer que les femmes bénéficient d'occasions égales en fonction de l’auto-évaluation de leurs besoins.

Cette stratégie ne requiert pas d’engager des coûts additionnels; en fait, elle permettrait au gouvernement de réaliser des économies. Des centaines de programmes existent déjà, mais il faut pouvoir les adapter. Plusieurs d'entre eux se recoupent. Par exemple, au cours des trois dernières années, l’attention s’est tournée vers les personnes âgées. Il est facile d’obtenir de l’argent pour ces projets. D’ailleurs, pas moins de huit projets pour personnes âgées dans notre petite communauté ont été financés simultanément par le gouvernement fédéral. Ils faisaient tous la même chose, sans résultats durables.

Au lieu d’essayer de modeler un projet en fonction des critères d’un ministère, il serait judicieux en fait de tenir compte des besoins réels et de ce qui fera une différence considérable pour les femmes. Celles qui peuvent progresser en suivant une formation et des cours contribuent à l’économie.

3E RECOMMANDATION

Élaborer une stratégie nationale de logement.

Tel qu'indiqué dans les statistiques présentées ci-dessus, 81 % des maisons dans notre région ont été construites avant 1986. Cela témoigne du vieillissement du stock des logements.

Les programmes actuels de logement à prix abordable ne rejoignent pas les gens qui ont les besoins les plus pressants. Être propriétaire de sa demeure n’est tout simplement pas à la portée de nombreuses familles qui vivent avec un faible revenu, et cela est notamment vrai pour les familles monoparentales dirigées par une femme. Les banques et les sociétés de prêts hypothécaires refusent de consentir un prêt aux femmes à faible revenu pour l’achat d’un logement. Les personnes qui réussissent à économiser suffisamment pour un acompte ne parviennent toutefois pas à acquérir une maison en raison des frais de clôture associés à l’achat.

Les programmes d’amélioration du rendement énergétique ne profitent pas aux femmes et aux familles qui sont locataires et paient leurs propres factures d'énergie. Même avec ces programmes gouvernementaux, les propriétaires n’ont aucun avantage à investir dans leurs biens locatifs.

Les programmes énergétiques ne sont offerts qu’aux propriétaires de biens immobiliers. Les locataires ne peuvent bénéficier d'aucune de ces mesures d'économies.

Une revitalisation du marché de l’habitation pourrait donner une forte impulsion à l’économie. Des programmes de formation professionnelle et un programme de garanties gouvernementales pour des prêts ciblant les femmes permettraient à ces dernières de former des coopératives pour construire et réparer des maisons dans leur collectivité. Cela favoriserait en outre la création de milliers d’emplois au Canada.